Le marathon d’une vie

Article publié dans “Regards décembre 2023” Magazine municipal du Rheu

Il y a des trajectoires de vie plus simples que d’autres, des épreuves qui vous marquent. Il faut avoir de la détermination pour en faire une force. Noelly est partie de République démocratique du Congo alors qu’elle était enceinte de cinq mois, avec ses enfants âgés alors de 3 et 4 ans. Ce qui se passe entre cette fuite et son arrivée à Rennes, en janvier 2018, Noelly ne le raconte pas, par pudeur peut-être, par dignité sûrement. « J’ai voulu trouver une vie meilleure pour mes enfants », avance-telle simplement.

Pour des raisons administratives, sa prise en charge n’est pas possible. S’enchaînent alors dix-huit mois de précarité extrême. Tous les jours, elle appelle le 115 qui lui donne le matin le lieu d’hébergement du soir. La peur et la solitude font partie de son quotidien. « Je ne voulais pas qu’on pointe mes enfants du doigt. Ce n’est pas donné à tout le monde de partager la douleur des autres. J’ai sondé beaucoup de regards pour savoir à qui je pouvais me confier. » Noelly arrive sur la commune en 2020 et bénéficie d’un logement le temps que son dossier de demandeuse d’asile soit instruit. Elle a l’espoir qu’un jour ses enfants auront une vie tranquille. Mais en novembre 2022, sa demande est déboutée et elle doit quitter le logement d’urgence.

Son salut, elle le trouvera auprès de deux mamans de l’école de ses enfants qui découvrent alors sa situation. « On a appris ce qu’elle vivait par hasard. À aucun moment, nous n’avons deviné la précarité dans laquelle Noelly et ses enfants évoluaient. Ils sont épanouis à l’école, côtoient leurs camarades et font partie de clubs », raconte Malika.« On culpabilise même de ne pas avoir deviné avant », complète Marlène. « J’ai ressenti beaucoup de colère et de tristesse face à la situation, je n’en dormais plus la nuit… On prend conscience de leur quotidien et ça remue. Ça ne se passe plus dans les médias mais dans la classe de vos enfants. Ça entre dans votre réalité. » À partir de là, tout s’enchaîne très vite. Les appels tous azimuts pour trouver une solution d’hébergement, la découverte des spécificités de chaque association d’aide aux migrants, les appels à la solidarité sur les réseaux sociaux. « On a eu beaucoup de retours grâce à cela, une grande source d’information. On a eu des déconvenues, aussi. La solution est venue de la mairie qui a mis à disposition un logement. Un vrai soulagement. », raconte Malika. Le logement permet d’héberger cinq mères avec leurs enfants, aidées par Tabitha Solidarité. « J’explique à mes enfants qu’il y a plusieurs chemins pour avancer. J’ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes au bon moment. Ma force je l’ai puisée dans ma foi, pour mes enfants ». Le ciel se dégage encore un peu en octobre dernier, lorsque Noelly obtient un titre de séjour provisoire. « Je veux travailler pour offrir une vie digne à mes enfants. Ils rêvent d’un ” chez nous “. » Malika et Marlène seront à ses côtés pour la soutenir. « La vie, c’est comme un marathon », explique Noelly. « Le plus important n’est pas de gagner mais de franchir la ligne d’arrivée. » Reste à souhaiter à Noelly, rheusoise depuis trois ans, de continuer à arpenter le marché du samedi matin, de participer aux événements festifs auxquels elle se rend avec ses enfants, de les conduire sereinement à l’école. De vivre sa vie de mère de famille. J

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